Le titre de cette rubrique est peut-être incorrect, ou en tout cas l'était à l'époque. En effet, je crois bien ne pas être allé à l'école primaire à Lucens, mais n'y avoir fait que l'école enfantine. Mais j'ai une hésitation, car il est possible que nous ayons déménagé à Lausanne durant l'été, ce qui voudrait dire, le début de l'année scolaire étant à Pâques, que j'aurais suivi quelques semaines la 1e primaire à Lucens.
Je dois avoir deux ans, avec ma soeur Sylvette.
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Quoi qu'il en soit, l'école de Lucens demeure pour moi le premier contact avec le milieu scolaire. A cette époque, il n'y avait qu'une année d'école enfantine, surtout dans les campagne où les enfants rendaient service aux familles. J'ai donc suivi une année d'enfantine dans la petite école qui se trouvait près de la place de tir, en bordure de la Cerjaule.
Cela n'a pas été une mauvaise expérience, et j'ai le souvenir de certaines anecdotes. En particulier, je me rappelle avoir été le premier à réussir à lire les syllabes, et avoir reçu pour cela de la maîtresse une plaque de chocolat ! Cette réussite m'avait paru quelque chose de parfaitement naturel, et j'avais peine à comprendre que les autres élèves de la classe n'y parvenaient pas. C'est peut-être pour cela que j'ai eu tellement de peine à admettre, même si Catherine me l'expliquait à chaque fois, que nos enfants soient soumis aux mêmes règles temporelles pour l'apprentissage de ce que les pédagogues appellent la combinatoire. Pour un adulte, cela semble tellement évident qu'une consonne suivie d'une voyelle permettent de lire un son combiné, alors que cela est incompréhensible pour un jeune enfant. En tout cas, je sais que la première syllabe que j'ai lue était BA, ce qui était un bon départ ! |
Mais j'ai également le souvenir de petites hontes ressenties pour des bêtises dites par des élèves ou par moi. Un fille s'était, par exemple, fait moquer par toute la classe pour avoir répondu, à la demande de la maîtresse pour savoir comment s'appelait le commerçant qui vendait du sucre, "un sucrier". J'ai moi aussi eu le sentiment d'être un imbécile pour avoir mélangé deux termes. Lorsque la maîtresse a demandé si nous savions ce qu'était du cuivre, j'ai levé la main et suis allé devant la classe pour montrer mes chaussures... en cuir ! La maîtresse a corrigé mon erreur, mais comme la plupart des autres élèves ne savaient pas non plus ce qu'était le cuivre, je n'ai pas été trop charrié.
Une dernière anecdote concerne nos leçons d'histoire naturelle. Nous avions un petit aquarium dans la classe, dans lequel nous avions mis des têtards. Les élèves étaient chargés de les fournir, et j'étais allé en chercher dans un petit étang qui se trouvait à la sortie de Lucens en direction des Treize-Cantons, au pied de la butte de Curtilles. J'avais habituellement la trouille d'y aller car j'y avais vu une fois une grosse couleuvre qui nageait dans ma direction, mais j'étais sûr d'y trouver de nombreux tétards. La maîtresse nous a fait suivre le développement des têtards, avec l'apparition des pattes arrière, puis des pattes avant. Et un matin nous avons tous été scandalisés, car quelqu'un était venu voler nos grenouilles: le bocal était vide, mais la maîtresse a eu tôt fait de nous expliquer que nos têtards devenus grenouilles parfaites avaient simplement sauté par la fenêtre pour rejoindre la rivière et l'eau libre. |
Le petite écolier avec son sac, sur le chemin de notre villa à proximité de la Fibre de Verre.
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J'ai conservé un bon souvenir de cette petit école, et j'ai également participé à une édition de la Fête des écoles, qui se déroulait sur la place de tir, avec des carrousels et le tir des écoliers. Il me reste des photos du cortège, où je suis sagement en colonne avec mes pantalons courts et ma casquette, toute la classe étant accompagnée de notre maîtresse, Mlle Pochon.
Quelques autres souvenirs me sont restés de Lucens. Par exemple, j'ai toujours été fasciné par la Belle Maison, grande bâtisse qui a donné son nom à une place du village. A mon époque, c'était un grand restaurant, où les familles allaient le dimanche après-midi, et souvent les hommes le matin déjà pendant le culte. J'en avais un grand respect, car mon grand-père Adrien, peintre amateur, en avait fait une grande toile qui trônait chez lui à Curtilles.
De plus, ce quartier signifiait pour moi le lieu des découvertes. C'est en effet tout près, en direction de la laiterie, qu'il y avait une salle où étaient présentés les films du Fip-Fop. Je me souviens que c'est là que j'ai vu pour la première fois du cinéma, et que j'en ai gardé un souvenir absolument émerveillé. Cela devait être en 1955 ou 1956.
Un peu plus loin, de l'autre côté de la Cerjaule par rapport à la petite école, il y avait une boulangerie. Les boulangers habitaient dans le bâtiment, au rez-de-chaussée, et on pouvait voir dans leur salon depuis la rue. C'était particulièrement intéressant, car ils avaient une télévision. C'est là que j'ai vu cet instrument pour la première fois, et la dame nous a laissés une fois ou l'autre entrer dans l'appartement pour voir l'engin. Je me souviens également que c'est là que j'ai lu une bande dessinée qui m'avait passionné et dont je ne savais pas qu'elle était assez rare. Il s'agissait d'une oeuvre mineure d'Hergé, Popol et Virginie au pays des Lapinos. Par la suite, devenu collectionneur de BD, j'ai mis pas mal de temps à la retrouver et je trouve qu'elle est en réalité très intéressante. Mais c'est peut-être l'effet "madeleine de Proust" !
J'ai aussi fait des bêtises à Lucens. Par exemple, j'avais un engin à roues pour me déplacer. Mes parents avaient voulu conjuguer l'utile et l'agréable et m'avaient acheté un Cyclo-Skif. Il s'agissait d'un engin à trois roues, très bas, sur lequel je m'asseyais comme sur un bateau d'aviron. Les deux roues motrices étaient à l'arrière, et le moyen de propulsion était composé d'un système de double levier que je devais actionner avec les bras, comme des rames, en tirant vers l'arrière pour entraîner la chaine. C'était physique et cela m'a certainement musclé le haut du corps plus que la normale, mais c'était lourd à faire avancer par rapport à mes copains qui avaient une trott ou un vélo. On faisait surtout des courses à la descente, où j'étais très fort car mon véhicule était lourd. Je me souviens de m'être payé une belle chute en arrivant au bas de la descente - à l'époque non goudronnée - qui menait du château à la gare. Mon Cyclo-Skif, avec sa seule roue directrice à l'avant que j'actionnais avec les pieds, était en effet très peu stable dans les virages, surtout à grande vitesse. |
La Belle Maison, sur la place du même nom, est redevenue un café-restaurant, mais j'ai l'impression qu'elle avait perdu cette vocation pendant quelques années (photo 3 octobre 2010).
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Une autre fois, en hiver, nous avions joué sur un tas de neige à la place de la Belle Maison. La voirie avait en effet l'habitude de déverser directement dans la Cerjaule toute la neige qu'elle récoltait. Comme il y en avait beaucoup, cela ressortait jusque sur la place et constituait des monticules très intéressants à escalader. Le résultat est que je suis allé trop de l'autre côté, et que la neige s'est effondrée sous mon poids et que je suis tombé dans la Cerjaule !
J'ai aussi fait des bêtises à Lucens. Par exemple, j'avais un engin à roues pour me déplacer. Mes parents avaient voulu conjuguer l'utile et l'agréable et m'avaient acheté un Cyclo-Skif. Il s'agissait d'un engin à trois roues, très bas, sur lequel je m'asseyais comme sur un bateau d'aviron. Les deux roues motrices étaient à l'arrière, et le moyen de propulsion était composé d'un système de double levier que je devais actionner avec les bras, comme des rames, en tirant vers l'arrière pour entraîner la chaine. C'était physique et cela m'a certainement musclé le haut du corps plus que la normale, mais c'était lourd à faire avancer par rapport à mes copains qui avaient une trott ou un vélo. On faisait surtout des courses à la descente, où j'étais très fort car mon véhicule était lourd. Je me souviens de m'être payé une belle chute en arrivant au bas de la descente - à l'époque non goudronnée - qui menait du château à la gare. Mon Cyclo-Skif, avec sa seule roue directrice à l'avant que j'actionnais avec les pieds, était en effet très peu stable dans les virages, surtout à grande vitesse.
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L'endroit où j'étais tombé existe toujours. Il y a quelques escaliers qui permettent d'accéder à la rivière. C'est là que les employés de la voirie déversaient la neige. Un peu en dessous, on voit le pont sur la rivière, qui n'a pas non plus changé depuis mon enfance (photos 3 octobre 2010). |
Enfin, nous avions l'habitude, en été, de jouer à la fontaine de la gare (il n'y avait pas encore de piscine à Moudon, et on ne se baignait que rarement dans la Broye, dans des gots situés en amont du village). Un jour, je me souviens d'être tombé habillé dans la fontaine. Pour éviter une correction (mon papa avait la main leste), j'ai essayé durant toute la fin de la journée et le début de la soirée de faire sécher mes habits au soleil. Mais cela n'a pas suffi et, lorsque je suis rentré vers 20h, j'étais encore mouillé et j'ai pris une fessée à la brosse à habits !
Mais la plus grosse bêtise, c'est celle qui aurait pu me faire mourir. On jouait près de la villa avec les Bruger (les enfants d'en face, dont les parents avaient un élevage de porcs et où nous allions manger en cachette les flocons d'avoine destiné à la nourriture des cochons !). Nous faisions de la "papette", c'est-à-dire que nous mélangions terre et eau pour avoir une mixture plus ou moins ferme pour jouer. L'un des enfants a jeté quelque chose dans le récipient où nous préparions la papette et j'ai été éclaboussé. Furieux, j'ai voulu lui en lancer et j'en ai pris plein ma main. Comme il s'enfuyait vers chez lui, je l'ai suivi en traversant la chaussée... et je me suis fait shooter par une voiture.
Il y a eu un article dans le Journal de Lucens sur cet accident, mais je n'ai pas eu de séquelles. On m'avait pourtant dit que je serais un peu fragile du bas de la colonne vertébrale, et c'est peut-être finalement ce qui explique que j'ai effectivement eu plusieurs fois des problèmes à cet endroit-là, jusqu'en 2002 où j'ai même carrément dû être opéré d'une hernie discale.