Etant gamin, je sifflais et chantais tout le temps. J'écoutais aussi beaucoup la radio, uniquement Sottens puisque, dans les années 50, c'était quasiment le seul émetteur qu'on pouvait capter correctement avec le gros poste familial de la salle à manger ou le petit poste en bakélite de la cuisine.
Et j'aimais tout ce que j'entendais en matière de chansons: discanalyse, l'émission qui faisait parler de doctes critiques sur les nouveautés de la semaine; le disque préféré de l'auditeur, où les gens écrivaient ou téléphonaient pour qu'on passe une chanson qu'ils dédicaçaient à une connaissance; le jazz du samedi après-midi, où je n'aimais pas les grognements d'un certain pianiste; et les émissions de compagnie ou de variétés, où même Tino Rossi, Patrice et Mario ou les Platters, idoles de ma mère, me transportaient.
Dans les années 60, j'ai aimé les rockers francophones et même les yé-yé. Une chanteuse comme Sheil me paraissait tout à fait convenable, et toute la (nouvelle) vague m'a (dé)formé l'oreille. En 62/63, nous avons eu notre premier poste à transistors, qu'on pouvait déplacer et qui me permettait d'écouter la radio dans ma chambre. Par la suite, j'ai toujours fait mes devoirs en écoutant de la musique, ce qui énervait au plus haut point ma mère, qui n'arrivait pas à comprendre que je pouvais faire deux choses en même temps.
Lorsque j'habitais à Yverdon et que j'étais gymnasien à Lausanne, j'étais un fanatique de Salut les copains, à 17h tous les jours sur Europe 1. Le hit-parade avait remplacé discanalyse, je trouvais ringardes toutes les chansons qui avaient plus de trois mois.
Par la suite, en arrivant à l'Université, j'ai passé à une chanson plus intelligente, mais toujours en restant sur Europe 1. Cela a été l'émission Campus, par exemple, puis, sur France Inter, le Pop-Club de José Arthur.
Durant toute cette évolution, je me suis insensiblement rapproché de la chanson française, et, dès le milieu des années 60, mes chanteurs préférés étaient Brel et Brassens, avec quelques autres pour lesquels j'ai conservé toute ma tendresse, comme Guy Béart. Dans les années 70 sont apparus les chanteurs engagés, précédés cependant par le destructeur Antoine que j'ai beaucoup aimé.
Mais les année 70, cela a été pour moi la découverte du blues, tout d'abord, puis du folk ensuite. Je parle par ailleurs dans une autre rubrique de mon aventure folk. Ici, je tiens à relever que mon amour pour le folk un peu fondamentaliste, ce "revival" d'une culture paysanne américaine héritée de la vieille Europe, m'a fait redécouvrir la chanson française du début du XXe siècle.
En me convertissant au ffolk américain old-time, je devenais réceptif aux ressorts qui actionnent les anciens modes de la chansons française: la chanson réaliste, la chanson idiote et surréaliste, la chanson sucrée et romantique, la chanson humoristique et mordante.
Le véritable tournant a été, pour moi, un Noël de la fin des années 70. Je n'avais rien à faire en natation car il y avait une pause d'une semaine environ entre Noël et Nouvel-An. Et c'est en écoutant par désoeuvrement un jour France Inter que je suis tombé sur l'émission quotidienne (à cette époque) de Jean-Christophe Averty "Les cinglés du Music-Hall". Le flot d'érudition et de commentaires dévalant de la bouche zézayante d'Averty m'a instantanément converti et je suis devenu fada des chanson les plus ridicules de tout le répertoire français. C'est en effet une manière bien plus intéressante de consommer de la musique que d'en connaître les sources exactes, la date des enregistrements, les circonstances sociales et politiques qui entouraient cet publication, etc.
A partir de ce jour-là, je suis devenu un amateur passionné et collectionneur de tout ce qui a été édité sur 78 tours, voire même en cylindres. J'ai pratiquement tout écouté, en j'ai enregistré des centaines de cassettes des émissions d'Averty durant une dizaine d'années. Comme je sais chanter, cela me donne un répertoire assez inhabituel, encore qu'on constate que même la Star Académie ne dédaigne pas de remettre au goût du jour des chansons des années 30 à 50. Damia est devenue un peu connue grâce à la re-naissance de Piaf, j'attends maintenant avec impatience que les gens redécouvrent Georgius, Dranem, Frehel, Yvonne George, Fortugé, Alibert, sans parler des plus récents comme Mireille, Vian ou Chevallier.
A côté de cela, je continue à aimer la nouvelle chanson, surtout en français, et je vais à de nombreux festivals en été où j'apprécie particulièrement de découvrir de nouveaux chanteurs. En 2006, c'était le groupe Charlotte Parfois à Paléo, cette année c'était, également à Paléo, Emily Loizeau, et à Estavayer une merveille vaudoise, Jyaleen. A écouter absolument pour la perfection vocale, l'humour des textes. Et sur scène, elle est bien mieux que sur son unique disque, où les violons sirupeux sont tout à fait superflus.
Cette rubrique générale sera complétée de sous-rubriques qui expliqueront certains de mes coups de coeur, dans la chanson ancienne ou contemporaine.